De nos jours, on entend de plus en plus parler des bienfaits de la méditation. On en parle un peu à toutes les sauces, sans savoir vraiment de quoi il s’agit. Cet article vous propose un bref historique des origines de la méditation, une tentative de définition, un descriptif succinct de quelques façons de méditer et les bénéfices que l’on peut en retirer[1].

 

Les origines de la méditation

L’histoire de la méditation est si ancienne et si diversifiée qu’il serait plus juste de parler de méditation au pluriel. Le terme « méditer » est issu du latin medeor et signifie « soigner ». Les populations antiques avaient-elles déjà ressenti les vertus médicinales de la méditation ? Sans doute…

Effectuons maintenant un rapide tour d’horizon de quelques courants méditatifs connus aujourd’hui en Occident. Il y a tout d’abord le taoïsme qui trouve ses racines en Chine et dont l’intention est de travailler sur le Qi (énergie ou souffle interne). Les méditations taoïstes peuvent prendre des formes variées : certaines proposent un travail sur la respiration, d’autres se font dans une posture assise immobile, d’autres encore sont proches de mouvements doux et répétés de gymnastique.

Un autre courant méditatif est le bouddhisme qui est né en Inde et qui se propose « de remédier à la souffrance humaine par une meilleure connaissance de soi et par la pratique de règles simples et universelles »[2] indépendantes de toute intention religieuse. Ici aussi, la méditation peut prendre des formes très diverses selon les types d’écoles et les origines géographiques : l’importance accordée aux postures sera variable, on pourra proposer une pratique méditative déambulatoire, une qui vise à faire naître la compassion et l’amour inconditionnel (« le pratiquant imagine inspirer les souffrances de son prochain sous forme d’une fumée qui disparaît en lui pour donner la place à une lumière scintillante et magnanime, qui émane hors de lui à chaque expiration »[3]) ou encore une réflexion suscitée par une formule percutante comme celle-ci : « L’arbre qui tombe dans la forêt fait-il du bruit si personne n’est là pour l’entendre ? »[4]

Enfin, le troisième courant méditatif qui sera évoqué dans cet article est l’hindouisme, qui s’est épanoui en Inde à travers plus écoles philosophiques, dont le yoga fait partie. Il propose la pratique de postures (asanas) du corps et des mains (mudras), ainsi que des techniques respiratoires (pranayama) afin d’atteindre une unification du corps et de l’esprit, où le Prana (proche du Qi chinois) tient une place centrale.

Ce qu’il me semble important de mentionner, c’est que toutes ces pratiques méditatives n’exigent pas une foi religieuse, tout en n’étant pas incompatibles avec elle (la méditation peut d’ailleurs servir d’adjuvant pour renforcer une foi vacillante). L’homme occidental moderne, qu’il soit laïc ou croyant, peut donc pratiquer la plupart des méditations, même si elles sont inspirées de mouvements spiritualistes…


Tentative de définition

Les Occidentaux que nous sommes peuvent donc tous pratiquer la méditation, mais comment la définir ? Évitons de tomber dans deux pièges : le premier serait de considérer la méditation comme une activité intellectuelle : réfléchir profondément sur un sujet. Le deuxième serait de croire qu’il n’y a qu’une seule démarche pour méditer. Pour rectifier ces deux écueils, il faut savoir qu’en réalité, la méditation passe surtout par le corps et qu’il y a une multitude de pratiques (certaines visent à focaliser son attention, d’autres à l’ouvrir largement ; nous y reviendrons).

Je vous propose la définition de Christophe André (psychiatre français), qui me paraît très complète : « La méditation est une démarche dans laquelle on tourne son attention vers un certain nombre de variables corporelles, sensorielles et mentales. Ce mouvement de l’esprit est volontaire : même si des états proches de l’état méditatif peuvent naître spontanément en nous (devant un feu de bois ou les vagues de l’océan), ce que l’on nomme méditation relève d’exercices délibérés, prolongés et répétés, représentant un entraînement de l’esprit (…) Il existe un certain nombre de points communs à toutes les pratiques que l’on pourrait qualifier de « méditatives » : cesser d’agir, pour s’accorder un temps de retrait, de silence, de lenteur, de continuité ; durant ce temps de silence, stabiliser son attention ; ne pas réagir aux stimulations externes (bruits) ou internes (pensées, émotions) ; observer ces stimulations internes ou externes avec attention et détachement. Qu’attendre de cette démarche ? Dans toutes les approches méditatives, la tradition recommande de ne justement rien attendre d’immédiat. Mais de simplement voir ce qui peut émerger de cette attitude inhabituelle pour la plupart des gens (nous sommes presque toujours engagés dans des actions ou des distractions, rarement « attentifs à ne rien faire »). »[5]

De manière générale, il y a deux piliers communs à la majorité des pratiques méditatives. Le premier est le Samatha. C’est un terme pali (une langue antique de l’Inde) qui signifie « tranquille », « paisible » et qui souligne que la pratique procure un calme mental et corporel durable, qui perdure au-delà de la méditation. Le deuxième pilier est Vipassana. Ce mot pali signifie « vision pénétrante » et peut être rapproché du terme anglais mindfulness, traduit en français par « pleine conscience » et désignant une technique de soins inspirée par le bouddhisme et le yoga, créée à la fin des années 1970 par le biologiste américain Jon Kabat-Zin. « La vision pénétrante, ou Vipassana, amène à percevoir les choses telles qu’elles sont et non telles qu’on voudrait qu’elles soient, grâce à un esprit libéré de nos croyances et de nos schémas de pensées aliénants, eux-mêmes nés de nos peurs. Le Vipassana est aussi l’art d’entrer dans une connaissance aiguë de notre for intérieur : ce monde psychique, sensoriel et émotionnel qui nous gouverne le plus souvent à notre insu. (…) [L]e Vipassana permet [également] de développer une qualité mentale d’une immense richesse : l’équanimité (ou égalité d’humeur, détachement, sérénité) face aux choses et phénomènes éphémères. »[6]

 

Différentes façons de méditer

Maintenant que nous y voyons un peu plus clair sur ce qu’est la méditation, ou plutôt sur le point commun des différentes pratiques méditatives, une question se pose : concrètement, comment fait-on pour méditer ? Voici quelques pistes qui, je l’espère, vous donneront envie de pratiquer un exercice pas si inaccessible qu’il en a l’air… Le plus important est que vous choisissiez des exercices qui ont du sens pour vous et qui vous conviennent (ils doivent être positifs et bons pour vous).

Première décision à prendre : préférez-vous bouger ou être immobile ? Si vous préférez bouger, vous pouvez effectuer une méditation marchée dans un lieu calme. La nature se prête fort bien à cet exercice, il permet d’éveiller vos sens et de focaliser votre attention sur votre ressenti (les bruits, les couleurs, les odeurs,…). Effectuer une tâche répétitive est aussi un moment propice à la méditation : vous pouvez ainsi éplucher des légumes, tendre des vêtements sur une corde à linge ou tricoter en pleine conscience (concentrez-vous sur l’instant présent : votre respiration, vos sensations, vos émotions, vos pensées).

Si vous préférez être immobiles, vous pouvez par exemple pratiquer une relaxation couchée, appelée aussi « rotation de la conscience » ou « scan corporel », où vous passez en revue chaque partie de votre corps en essayant de la détendre. Le plus difficile dans cet exercice est évidemment de rester vigilant et de ne pas s’endormir…

En posture assise (en choisir une où l’on est détendu et alerte à la fois), vous pouvez centrer votre attention sur votre respiration ou sur un objet concret (la flamme d’une bougie, une image représentant quelqu’un de bien qui vous inspire,…) ou plus subtil (l’amour bienveillant, la paix, la liberté,…). Vous pouvez également répéter mentalement un mantra, c’est-à-dire une formule courte répétée de manière prolongée. Certains puristes préfèrent prononcer un mantra en sanskrit, mais vous pouvez le faire en français, tant que c’est une phrase qui a du sens à vos yeux (par exemple, « je deviens ce que je suis » ou « chaque fois que je respire, j’augmente ma sérénité »). Si vous sentez que vous avez besoin d’accompagnement, n’oubliez pas que vous pouvez faire appel à un professeur de yoga pratiquant la méditation pour vous guider. Il existe aussi un ouvrage assez bien fait qui propose des méditations guidées de 10 à 45 minutes avec la voix de Bernard Giraudeau (le scan corporel dont nous venons de parler y figure)[7].

Focaliser son attention sur un objet permet de stabiliser sa concentration et d’apprendre à réguler progressivement son attention. « L’objectif est d’apaiser l’esprit, de réduire les distractions et d’accéder à un état de surveillance de ses processus internes, qu’il s’agisse d’émotions, de pensées ou de perceptions. »[8] Ce premier type de méditation permet de basculer vers un autre type plus élaboré : une focalisation ouverte, c’est-à-dire sur aucun objet en particulier. Il s’agit alors d’accéder à la richesse d’une expérience subjective : l’intensité de nos perceptions (types d’émotions, de pensées, de souvenirs,…).

Lorsque vous commencerez à méditer, vous aurez l’occasion d’assister au flot turbulent et involontaire de vos pensées et émotions. La méditation sert à prendre conscience de ce flux et de développer graduellement les facultés d’attention qui permettent ce regard intérieur et les capacités de régulation émotionnelle. Lorsque vous commencerez à vous concentrer sur un objet et que vous prendrez conscience que vous vous êtes laissé(e) distraire, il s’agira alors de détacher votre attention de l’objet de la distraction et de la ramener vers la cible initiale. La méditation est donc un travail qui nécessite patience et bienveillance vis-à-vis de soi-même (pas de jugement par rapport à ses propres distractions). Pratiquer la méditation nous apprend à « ne pas rester « bloqué » sur une sensation, une pensée, une perception, et [à] être plus disponible pour tout ce qui peut survenir dans le flux de la conscience. L’attention est moins captive de ce qui peut la détourner de son but. »[9]

 

Les bienfaits de la méditation

Afin de savoir si la méditation peut nous apporter des bénéfices, il est intéressant de se pencher sur les résultats des recherches qui ont été effectuées à ce sujet. Je vous propose ceux de Christophe André : « De nombreuses études (…) ont été conduites auprès de populations variées. Chez des sujets non malades, les pratiques méditatives améliorent globalement les variables de santé, tels le niveau de stress, les réactions immunitaires, la tension artérielle ou la tolérance à la douleur. Chez les personnes souffrant de diverses pathologies, la méditation améliore systématiquement et significativement la qualité de vie : c’est le cas pour la sclérose en plaque, le cancer du sein, les pneumopathies obstructives, et de nombreuses douleurs chroniques. On a aussi constaté une régression des symptômes dans diverses pathologies, telles que l’hypertension artérielle, le psoriasis et les maladies auto-immunes.

La méditation est probablement bénéfique par son impact global sur le stress. Cet effet est loin d’être négligeable, car le stress est globalement le « grand aggravateur » de toutes les pathologies. Notamment les pathologies chroniques, douloureuses, ou dans lesquelles l’efficacité des traitements classiques est limitée. Chez ces patients, la pratique de la méditation apporte de nombreux bénéfices au plan psychologique : elle augmente la fréquence des ressentis émotionnels positifs, ce qui est remarquable dans la mesure où la méditation ne se rattache pas au champ de la psychologie positive (on n’y cherche pas à susciter directement des émotions positives). Mais la qualité de conscience et d’attention qui y est cultivée a sans doute un effet indirect sur la capacité à savourer les moments agréables du quotidien lorsqu’ils surviennent. D’autres travaux ont souligné que la méditation augmente en général (…) les capacités à l’auto-compassion, qui consiste à manifester de la douceur envers soi-même, (…) [dimension] (…) associée à de nombreux bénéfices pour la santé selon différents mécanismes : meilleures observance des traitements et régimes, limitation des comportements auto-agressifs ou autodestructeurs, etc.[10]

Les mécanismes psychologiques d’action de la méditation ont été assez finement étudiés, par exemple dans le cas de la douleur. Dans le cadre des maladies psychiques, le plus important d’entre eux réside sans doute dans la diminution des cycles de rumination anxieux et dépressifs. La rumination est un symptôme fréquent, où l’esprit est absorbé par des pensées répétitives et focalisées sur des difficultés : bien que ne débouchant sur aucune solution concrète, ces ruminations persistent, soit au premier plan de la conscience, soit en bruit de fond même si nous essayons de diriger notre attention vers autre chose.

La pratique méditative apprend à ne pas se fixer sur ces pensées préoccupantes qui traversent l’esprit, mais à tolérer leur présence sans y adhérer (…). [S]’il nous est impossible d’empêcher pensées ou émotions négatives d’apparaître à notre esprit, nous pouvons garder nos distances vis-à-vis d’elles. C’est ce que permet la méditation dite de pleine conscience : prendre les pensées pour des pensées, non pour des certitudes. L’enjeu est de comprendre qu’il y a une différence fondamentale entre être préoccupé par un problème, et réfléchir au fait qu’on est préoccupé par un problème. En ce sens, la méditation ne cherche pas à modifier les pensées (comme le fait la psychothérapie cognitive), mais à faire évoluer le lien entretenu avec ces pensées, afin de ne pas y adhérer sans réflexion. Comme pour la douleur ou les émotions négatives, il ne s’agit pas d’en empêcher l’existence ou la survenue, mais de diminuer notre réactivité, et donc notre dépendance vis-à-vis d’elles. »[11]

Il est intéressant de noter que la méditation peut avoir un impact réellement positif dans la gestion de la douleur, qu’elle soit chronique ou ponctuelle. Je reprends les conclusions de Christophe André : « Dans les démarches dites psycho-éducatives, on a l’habitude en médecine d’apprendre aux patients à différencier douleur et souffrance. La douleur est une réalité biologique, pouvant être corrigée par les médicaments antalgiques. La souffrance correspond à l’impact psychologique de la douleur. Dans la méditation de la pleine conscience, on encourage les patients à accepter la présence de la douleur (cela ne peut donc se faire qu’avec des douleurs modérées, inutile de faire preuve de stoïcisme), mais en évitant de laisser leur attention se centrer sur elle. En effet, le mouvement naturel de notre esprit, lorsque nous souffrons, est de nous focaliser sur ce qui nous fait souffrir : la douleur occupe alors seule tout l’espace de notre conscience. Lors de la « digestion » méditative de la souffrance, on s’efforce d’ouvrir l’espace de la conscience à d’autres phénomènes : prêter attention à la respiration, aux parties du corps qui ne souffrent pas, aux sons ; on s’efforce d’observer les pensées que fait naître la souffrance (« Je ne supporterai pas cela longtemps… ») avec le plus de recul possible, etc. Plutôt que de chasser la souffrance de notre esprit, l’idée est de la « diluer » dans un contenant plus vaste, fait de l’ensemble de ce que nous ressentons, et pas seulement celui des ressentis douloureux. Inutile de préciser que cela requiert un certain entraînement… »[12]

On peut donc déduire de toutes ces observations que les pratiques méditatives sont finalement plus faciles d’accès que l’on pourrait le croire et qu’elle peuvent avoir un impact majeur sur notre santé, tout comme l’activité physique et une alimentation équilibrée. Il faut cependant bien garder à l’esprit qu’elles ne seront efficaces que si elles sont pratiquées de façon durable et régulière, c’est-à-dire intégrées dans un style de vie permanent. Dans une société qui nous incite à la vitesse, le zapping, la consommation, la sédentarité, il n’est pas aisé d’installer un tel style de vie. Il en vaut pourtant réellement la peine…

Séverine Radoux

[1] Les idées de cet article sont tirées d’un dossier intitulé « La méditation » dans le magazine Cerveau & Psycho, des mois de juillet-août 2012, n° 52, pp. 20-40.

[2] Ibid., p. 24.

[3] Ibid., p. 24.

[4] Ibid., p. 25.

[5] Ibid., p. 34

[6] Ibid., pp. 24-25.

[7] KABAT-ZINN (Jon), Méditer. 108 leçons de pleine conscience, Les arènes, Paris, 2010.

[8] LUTZ (Antoine), « La méditation », dans Cerveau & Psycho, juillet-août 2012, n° 52, pp. 27-28.

[9] Ibid., p. 33.

[10] L’illustration est issue du dossier déjà mentionné : « La méditation », dans Cerveau & Psycho, juillet-août 2012, n° 52, p. 37.

[11] ANDRÉ (Christophe), « La méditation », dans Cerveau & Psycho, juillet-août 2012, n° 52, pp. 35-38.

[12] Ibid., pp. 38-39.